Frank Heibert et l’approche qualité

Frank Heibert et l’approche qualité

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En juillet dernier, vingt-cinq éditeurs canadiens des quatre coins du pays ont réalisé une mission de reconnaissance en Allemagne. Pendant ce séjour, en plus de rencontrer des éditeurs allemands et de visiter certaines des meilleures maisons d’édition du pays, ils ont eu l’occasion d’écouter quelques éminents professionnels de l’industrie allemande. L’un d’eux était le traducteur Frank Heibert, qui a traduit des œuvres d’écrivains comme Don DeLillo, George Saunders, Richard Ford, William Faulkner, George F. Walker, Yasmina Reza, Raymond Queneau, Michel-Marc Bouchard et Suzanne Lebeau.

Frank Heibert a parlé de ce qui pouvait rendre la littérature canadienne intéressante pour les éditeurs et les lecteurs allemands, en précisant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour le marché allemand.

 

Ce qui fonctionne

La diversité canadienne

« Les lecteurs allemands s’intéressent, au-delà de l’image de pays sympa associée au Canada, à l’expérience du Canada en matière d’immigration. Dans une société qui célèbre la diversité plutôt que l’assimilation, « le peuple présente une immense richesse de sources et d’origines (qu’il s’agisse des Premières Nations, des Québécois catholiques, des Juifs hassidiques ou encore des immigrants musulmans, des Caraïbes, de l’Europe du Sud-Est ou de l’Asie). Et la richesse de ce mélange transparaît forcément dans les œuvres écrites par ces différentes voix ou à leur sujet. Le Canada et le Québec ont une avance sur l’Europe dans ce domaine, et cela crée assurément un intérêt qui va au-delà du sympa

 

La nature, toujours la nature

« Il y a en Allemagne, un désir ardent de mondes vastes, sauvages et intacts et un intérêt pour la façon dont nous, les humains, pouvons les gérer, y vivre ou pas. Cela donne au Canada une touche d’exotisme, d’aventure - les extrêmes du climat, le défi que la nature peut représenter (pourrait-on parler de "l’élément ours"?), et cela fait partie de ce à quoi un Allemand pense immédiatement lorsqu’il entend parler du Canada. »

L’importance de la perspective

En se référant à des ouvrages comme The Xenotext de Christian Bök et Sous béton de Karoline Georges, Heibert a découvert une perspective unique dans des œuvres d’auteurs canadiens, qu’elles soient utopiques ou dystopiques. Pour un pays comme l’Allemagne, « qui est déjà très occupé à digérer le passé et à essayer de comprendre le présent, cette habileté à aborder l’avenir est rafraîchissante, intéressante, attrayante. »

 

Ce qui ne fonctionne pas

Les fins heureuses

« Les éditeurs allemands n’ont pas peur des histoires qui finissent mal, ils les trouvent probablement plus crédibles. [...] Si l’on cherche des livres pour se réchauffer le cœur, on prend des romans commerciaux qui visent  à divertir, et c’est très bien. Mais lorsqu’il est question d’art, de la littérature comme forme d’art, on semble préférer ce qui est nouveau, ce qui représente un défi et provoque. » 

Roman didactique

« Parfois, un roman qui aborde une question est accompagné d’une foule de renseignements généraux utiles, mais "non traités". Ce didactisme enveloppé de fiction ne marche pas très bien chez nous; si nous voulons apprendre quelque chose, soit nous optons pour un ouvrage documentaire, soit nous préférons ne pas nous rendre compte que nous sommes en train d’apprendre en choisissant un livre qui nous transporte dans un monde différent par le biais de la fiction. »

Trop d’information

« Les autofictions fonctionnent lorsque la vie qu’elles racontent a un aspect exemplaire. Cependant, les livres de type roman qui sont centrés sur un seul ego, ne laissant aucune place au non-dit, alors qu’il est clair que cet ego appartient à l’auteur, constituent un genre de récit autobiographique qui semble plaire davantage au Canada qu’en Allemagne. »

 

Que peuvent faire les éditeurs canadiens pour trouver des maisons d’édition allemandes pour leurs titres?

Se concentrer sur les perles

« Je vous encourage à parier sur la classe plutôt que sur la masse, et par là je veux dire : concentrez-vous sur les livres spéciaux que vous publiez, les livres singuliers et particuliers. Pas les livres qui pourraient bien avoir été écrits au Canada, en Suède ou en Espagne – les œuvres grand public voyageront de toute façon. Les œuvres uniques constituent votre atout, elles peuvent faire en sorte que votre présence à Francfort ait un impact qui ne se dissipera pas après deux mois et qui vous permettra d’amorcer ou d’approfondir une tradition de publication de littérature canadienne et québécoise en allemand. »

Et pour finir…

Dépêchez-vous!

« S’ils ne l’ont déjà fait, les éditeurs allemands décident de leurs programmes pour 2020 d’ici novembre ou, au plus tard, à Noël cette année. Les livres devront être traduits en 2019, c’est donc l’échéance que nous envisageons pour la majorité des maisons d’édition. Si un éditeur allemand semble souhaiter lire un fichier PDF ou lancer des négociations sur les droits, il vous faut agir vite, et réagir vite. »

Canada FBM2020 remercie le traducteur Frank Heibert de nous avoir offert son temps et partagé son expertise sur ce qui permet à un bon livre de voyager!

 

Photo : Frank Heibert
Gracieuseté de Frank Heibert, texte abrégé et édité par Jolise Beaton 
Traduit de l'anglais par Joanna Gruda

 

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